Chana Orloff

(1888-1968)

« Étrangère, juive, artiste, femme, veuve… »
Chana Orloff énonce tous les obstacles qu’elle aurait rencontré face à une quête de reconnaissance. Née en Ukraine en 1888, Chana Orloff arrive à Paris en 1910. Elle est huitième de neuf enfants, et voit très tôt ses sœurs mariées de force. Elle décide de suivre la voie de ses frères : recevoir une éducation et parler russe comme eux. Avec leur aide, elle apprend à lire et écrire russe, qui est une langue interdite car chez elle, elle parle yiddish. Lorsqu’elle a 12 ans, elle est placée chez une couturière. Cependant elle est forcée avec sa famille de partir vivre en Palestine en 1905. C’est grâce à ses travaux de couturière que la famille Orloff réussit à subvenir à ses besoins.

En 1910, alors âgée de 22 ans, elle veut rejoindre Paris dans le but de jouir d’une véritable formation. Elle parvient à se faire embaucher chez Jeanne Paquin, et intègre plus tard l’École nationale des Arts Décoratifs où elle se forme au dessin. Dès 1912, Chana Orloff commence la sculpture, qu’elle apprend seule. Elle côtoie des artistes d’avant-garde comme Modigliani, Hébuterne, Soutine ou Zadkine, et en 1913 elle présente ses sculptures au Salon d’automne. Elle est reconnue comme artiste d’avant-garde et peut ainsi vivre de son art pour le restant de sa vie. Elle sculpte beaucoup de figures féminines, qu’elle considère meilleures que les représentations de ses confrères masculins, car en tant que femme elle ressent tout ce qu’elle représente dans sa chair : la grossesse, la maternité, le deuil. 

En 1915, elle rencontre Ary Justman avec qui elle se marie l’année suivante. Ils ont un enfant en 1918. Alors que leur fils n’a même pas un an, Ary Justman qui est parti au front décède et laisse Chana Orloff veuve à charge de leur fils ayant de nombreux problèmes de santé. Dans les années 20, elle s’installe dans un atelier à Paris et continue sa production en tant qu’artiste reconnue et expose dans plusieurs pays d’Europe. Elle devient la portraitiste attitrée de l'intelligentsia parisienne et côtoie plusieurs cercles d’artistes. Elle reçoit également la Légion d’Honneur en 1925.

Sa production artistique évolue et elle travaille désormais le bois, le plâtre, la pierre, l’argile et le bronze. La Seconde Guerre mondiale vient bousculer sa création, elle donne des sculptures et réduit ses formats afin de pouvoir les transporter. Elle échappe de peu à la rafle du Veld'Hiv’ et se réfugie en Suisse où elle commence à sculpter de nouveau. 

Après la guerre, il ne reste plus rien de ses œuvres restées chez elle. Tout a été pillé. Sa production est radicalement différente. Le retour peut en témoigner. Ce ne sont plus des sculptures lisses et épurées gardant l’essentiel. 

Chana Orloff se retrouve peu à peu oubliée en Europe, malgré la conservation de ses sculptures dans beaucoup de musées. 

Chana Orloff, Femme aux bras croisés (1929), plâtre et bronze